Paris, 12 novembre 1839
AM. Pauthier
Vol. 1, p. 161
Monsieur Pauthier, je dépose chez votre concierge, avec la présente, un exemplaire imprimé de mon Discours sur le Dimanche, que j’ai fait tirer à deux cents exemplaires, pour mes amis et pour tous les hommes de bonne volonté que je puis connaître. J’ai moins voulu entretenir le public de mes rapsodies que recueillir les observations et les critiques des vrais philosophes et des gens de cœur. L’Académie de Besançon a loué le style de mon Mémoire, ainsi que l’imagination et le talent de l’auteur ; mais elle a blâmé la doctrine. D’autres personnes ont été, sur les deux points, d’un avis tout contraire, admettant les idées et trouvant beaucoup à redire à la forme. J’ai dessein de corriger et de retravailler beaucoup cet Essai, que je regarde comme mon programme. Je vous aurais donc une grande obligation si vous consentiez à faire parvenir à M. Tissot, votre ami, un exemplaire de cette brochure et de lui recommander l’auteur et l’ouvrage.
Je n’ai pu me défendre d’un certain mouvement de vanité en apprenant que M. Daudon, couronné par l’Académie, et dont j'avais l’honneur d’être le concurrent, était M. Tissot, professeur de philosophie à Dijon. Cependant, je serais fâché que M. Tissot pût croire que je mets en comparaison sa science et ma médiocrité, et que la publication de mon discours vient d’un autre sentiment que du désir de provoquer l’attention des hommes éclairés sur des idées que je m’obstine encore à croire vraies et utiles. M. Tissot est philosophe et de plus savant et grand érudit, et je ne suis qu’un pauvre apprenti ; mais nous sommes compatriotes, et j’espère, comptant sur votre bienveillante intercession, qu’il daignera me lire et m’envoyer ses critiques.
Je suis logé, provisoirement, rue Jacob, 16. Faites-moi connaître votre retour.
Votre dévoué,
P.-J. Proudhon
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